Tergiversations judiciaires sur l’autori Tergiversations judiciaires sur l’autorisation de cession
Contrairement à une jurisprudence ancienne, en matière de baux ruraux, le preneur n’a pas à signifier au bailleur l’autorisation de cession que ce dernier a lui-même accordée. L’article 1690 du code civil, disant le contraire, ne s’applique qu’aux tiers au contrat.
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L’histoire. L’affaire, objet de cette chronique, s’analyse autour d’une jurisprudence qui avait jugé qu’une autorisation de cession obtenue de son propriétaire devait être signifiée par acte d’huissier avant l’échéance du bail (arrêt du 6 février 1979, et encore du 9 avril 2014). Cette obligation résulte de l’article 1690 du code civil, selon lequel « le cessionnaire n’est saisi à l’égard de tiers que par la signification du transport fait au débiteur. » L’arrêt du 9 juin 2015, analysé ici, était-il de nature à modifier la jurisprudence antérieure ?
Contentieux. Anastasie avait donné à bail à Monsieur et Madame Paterne diverses parcelles de terres et bâtiments. Elle a sollicité postérieurement la résiliation pour cession prohibée, celle-ci devant profiter à la fille des époux locataires. Il faut admettre que l’histoire était assez confuse, surtout à travers son contentieux…
Il s’agissait en apparence d’une demande d’annulation de congé, reprise au profit de la fille des fermiers et de l’annulation de la cession que la bailleresse avait autorisée. Nous entrons ici dans le domaine d’application de l’article 1690 du code civil. En effet, en application de ce texte et de la jurisprudence de 1979, les époux Paterne ayant obtenu l’accord pour la cession, auraient dû signifier à Anastasie l’autorisation par elle donnée.
En présence de la carence de signification, la cour d’appel, séduite par l’arrêt de 1979, avait annulé le congé. Les époux locataires ont formulé un pourvoi devant la Cour suprême. Le problème a été fouillé par les juges, talonnés par la reconnaissance de l’application de l’article 1690. La réponse était difficile à donner, mais aux termes de cet article, il convient de distinguer le tiers et les parties au contrat. Or seuls bailleur et preneur sont « parties au contrat. » À partir de là, la Cour de cassation a pu motiver sa censure : la propriétaire qui avait autorisé la cession n’était pas un tiers par rapport aux preneurs à qui elle l’avait accordé. Ce qui fait que les juges se sont « déjugés » en décidant que le preneur n’a pas à signifier l’autorisation obtenue.
Épilogue. Cet arrêt a une portée certaine dans le contentieux rural : pourquoi le preneur ayant obtenu l’autorisation de cession des mains du propriétaire serait-il tenu de signifier par huissier à ce même propriétaire l’autorisation qu’il a lui-même accordée ? On peut envisager une hypothèse où le présent arrêt n’aurait pas d’incidence : par exemple, le cas d’un gérant d’affaires qui s’occuperait des affaires du propriétaire et signerait pour lui. Auquel cas, il y aurait bien un tiers en rapport avec le preneur pour justifier l’application de l’article 1690 du code civil. Il serait plus simple de dire dans la loi qu’en matière de baux ruraux, ce texte ne s’applique qu’aux parties qui ne sont pas bailleur et preneur...
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